Si le lien entre
Alain-René Lesage (1668-1747) et le modèle espagnol
a clairement été défini, le rapport avec
l’Angleterre et le libéralisme anglais, en
particulier John Locke, a été beaucoup plus négligé.
Ce livre se propose de dévoiler comment, à partir de
certains textes à valeur utopique (Crispin rival
de son maître, Turcaret, Gil Blas et
Les Aventures de Robert Chevalier), l’œuvre de
Lesage s’ouvre sur le monde de l’argent et sur les
bienfaits du libéralisme venu de l’Angleterre et du
Nord en général.
Dans une France en pleine mutation,
certaines œuvres de Lesage édifient un monde
meilleur à partir de nouveaux systèmes d’échanges en
concurrence avec une structure sociale présentée
souvent comme, sinon réactionnaire, au moins
conservatrice. Une forme nouvelle d’utopie voit
alors le jour avec un type de héros moderne pour
fondateur, celui de l’entrepreneur.
Dans le monde romanesque d’un
possible ancré dans l’Europe du XVIIIe siècle, une
utopie se crée à partir de nouvelles formes
d’associations établies sur l’échange de services
entre les valets et leurs maîtres, entre une
noblesse désargentée et une bourgeoisie aisée, entre
Paris et la province, ou encore entre la France et
ses colonies, relations dont l’argent constitue le
centre. Il est possible alors de relire les œuvres
les plus pessimistes de Lesage dans une perspective
nouvelle : au milieu des vices, les plus humbles
peuvent trouver la richesse et le bonheur.